En noir et blanc, des métiers racontés par leurs ouvriers.
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Le vannier, le hottier, le jouguier, le galochier, le sellier-bourrelier, les perleuses, le dinandier, le saigneur, les potiers de terre, les charrons.

Photos d'autrefois en noir et blanc


Des métiers racontés par leurs ouvriers.


Métier raconté, les potiers de terre de Ravel.

Potier un art de vivre.



Michèle Bénard nous confie sa passion pour l'argile, « C'est vraiment agréable, jamais on ne fait les mêmes choses. Le travail à la chaîne, c'est pas toujours intéressant. Donc la part de création est pour vous importante? Ah oui ! Parce que même ce qu'on appelle une série, écuelles ou autres, on ne peut jamais dire que ce sont vraiment les mêmes. Une poterie faite à la machine, vous en alignez 10 à côté des autres, elles sont toutes du même calibre, de la même hauteur. Bien sûr de très bon tourneurs arrivent à faire des choses tout à fait identiques. Mais moi je n'ai jamais recherché à faire des choses comme ça parce que ça ne m'intéressait pas ».

- On sent bien dans cet aveu toute la différence entre deux générations. Prosper Chanet, son père et son frère avaient travaillé dans les faïenceries industrielles. Ils avaient été soumis malgré eux à des normes strictes, à des cadences de production. Et même une fois établis à leur compte, l'habitude était restée. Ils tournaient à la perfection, l'identité des pièces entre elles était leur fierté.

- La petite fille, faisant de la poterie un plaisir et non une nécessité, n'a pas les mêmes critères d'appréciation. Il faut dire qu'entre temps les valeurs générales de la société ont changé. La standardisation de l'objet industriel et la disparition de l'artisanat ont redonné goût pour l'objet fait à la main. En schématisant, nous nous trouverions devant deux excès.

- Hier on magnifiait le travail sorti des machines et le travail manuel qui s'en rapprochait s'en trouvait naïvement rehaussé.

- Aujourd'hui, la banalité de l'objet de série rend toute sa valeur aux imperfections de la matière ou aux gaucheries des tours de main.

- Si on demande à Michèle Bénard à quel moment de son métier se situe la création, « C'est au fur et à mesure que je travaille ma terre que je développe ma forme. Quand je suis sortie de l'école, mon instituteur m'a dit, « Ça m'étonnerait que tu arrives à faire de la poterie parce que, te connaissant comme je te connais, en dessin tu es nulle! ». Mais enfin, je le vois aujourd'hui de temps en temps et je lui dis, « ce n'est pas parce que j'étais nulle sur le papier que je suis incapable de créer quelque chose ». C'est vrai, ce n’est pas parce que les formes que j’ai dans la tête, je n'arrive pas à les reproduire en dessin... que je n'arrive pas à les reproduire sur le tour!.

- On ne peut faire un plus bel éloge de la troisième dimension. Et heureusement que les instituteurs se trompent... de temps en temps. Michèle Bénard a su concilier trois choses Rares, la vie de famille, un travail en forme de loisir, la tradition de ses ancêtres potiers.

- Le père Chanet était un habile potier, mais aussi un personnage haut en couleur. Qu'on ne l'imagine pas rivé à son tour, il laissait volontiers l'atelier pour les sollicitations de la nature. Il allait à la pêche et était un peu braconnier, maintenant qu'il est sous trois pieds d'argile, cela ne peut lui porter tort! II cueillait les champignons dans les bois de la Morille, il ramassait les escargots. Dans son jardin, il soignait trois raies de vigne et quelques ruches pour faire son vin et son miel.

- Il aimait beaucoup apprendre aux jeunes la poterie et ceci, bénévolement. Sur le deuxième tour, inoccupé depuis la mort de son père Jean, j'ai souvent vu un « stagiaire » de passage. J'ai moi-même revêtu le grand tablier maculé de barbotine sèche et me suis patiemment initié au centrage de la terre. L’œil rieur la parole facétieuse, mais aussi les conseils bienveillants ont accompagné ces débuts sans lendemains.

- Nous terminions toujours nos séances autour d'une table. J'amenais une bonne bouteille de rouge, Corent ou Châteaugay. Lui, sortait un saucisson du Père Chabacière, son ami charcutier de Lezoux. Il y avait entre les deux compères une vieille complicité. Chabacière faisait les cochonnailles, Chanet les entreposait chez lui dans la cendre de bois avec du thym et du laurier. Autant dire que ces salaisons qui mariaient la science des deux artisans avaient un goût incomparable. Des histoires cocasses émaillaient la conversation comme la version très personnelle du père Chanet sur la Création du Monde.

- Très intéressé par la poterie gallo-romaine, il faisait des démonstrations de tournage au musée municipal de Lezoux. Il avait tenté également de retrouver le fameux vernis rouge cire à cacheter de la splendeur romaine. Dans son poêle à bois, l'hiver, il plaçait une cazette emplie de ses essais. Il y avait un peu du sorcier et de l'alchimiste chez le vieux potier en train de mélanger les poudres et de capter le coup de flamme. S'il n'est pas parvenu au vernis romain, il s'en est fort approché. Il a emporté le secret avec lui, peut-être dans un dernier pied de nez à ses contemporains? C'était bien dans sa manière.


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