En noir et blanc, des métiers racontés par leurs ouvriers.
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Le vannier, le hottier, le jouguier, le galochier, le sellier-bourrelier, les perleuses, le dinandier, le saigneur, les potiers de terre, les charrons.

Photos d'autrefois en noir et blanc


Des métiers racontés par leurs ouvriers.


Métier raconté, les potiers de terre de Ravel.

Le façonnage de la poterie.


La poterie naquit de l'application d'une couche d'argile sur des vanneries. Puis elle s'affranchit de son support tout en empruntant encore à la vannerie de paille, ce fut la poterie au colombin. Chaque spire était collée à l'autre par de la terre liquide, barbotine et la surface lissée donnait l'illusion d'une poterie d'une seule pièce. C'est ainsi que procédaient au siècle dernier les fabricants de cuviers à lessive de Bort-l'Etang.

- Mais le tour permit de grands progrès.

- Une régularité parfaite des poteries par l'existence d'un axe de rotation, donc axe de
symétrie.

- Un amincissement considérable des parois, d'où gain de matériau et légèreté du vase à contenance égale.

- Fantaisie plus grande dans les formes, l'impulsion des doigts se transformant dans l'instant en un étrécissement ou un évasement.

- En résumé, une légèreté et une grâce dans l'aspect, résultante des trois améliorations précédentes.

- Le tournage nécessite un long apprentissage que ne laisse point deviner le spectacle d'un potier à l'ouvrage. La facilité déconcertante avec laquelle il modèle la terre à son idée n'est qu'illusion, comme les numéros de cirque dont la perfection dissimule les innombrables heures d'entraînement. Qui n'a cédé à cette fascination?

- « Nous aurions pu rester là des quarts d'heure. Pas de métier où l'on voie mieux les choses se faire. Ici, en un moment, la terre prend sous les doigts la forme que l'ouvrier a en tête. A peine si le potier inclinait la main, avançait le pouce, et le pot naissait. A son idée, il se renflait ou se haussait, devenait jatte ou cassette, bichon ou toupine. De nos yeux nous assistions à la création. La terre, nous l'avions vue brute, nous savions de quel champ elle venait, et nous la voyions devenir cet assortiment de terrines et de pots... ».

a) Le centrage. Le potier, après avoir pétri la pâte, la répartit en boules d'égale grosseur à portée de main. Il a devant lui une terrine de barbotine, mélange d'argile et d'eau dans laquelle il se « graisse » les mains afin que la terre n'attache pas aux doigts.

- Pour commencer son ébauche, le potier mouille légèrement la tête du tour, saisit une balle de terre, et la projette fortement pour qu'elle adhère au bois de la girelle, bien en son milieu. Le tour a déjà acquis sa vitesse. L'artisan étreint à pleines mains sa boule de terre et la centre au milieu du tour. Les bras doivent rester immobiles pendant cette opération délicates, un peu comme les mâchoires d'un étau. Si les mains suivent les mouvements excentriques de la boule, celle-ci se visse, se décentre et s’arrache de la girelle en crépissant tout à l'entour, à commencer par le potier novice. Les mains, par des pressions latérales et verticales, domptent la matière pour qu'elle tourne parfaitement rond.

b) Le creusage. La terre une fois centrée, le pouce doit creuser une dépression au milieu de la balle d'argile, dépression qui s'élargit au fur et à mesure que le pouce s'enfonce. Les deux pouces à l'intérieur finissent de donner au fond son épaisseur définitive. Il est important que cette base soit suffisamment épaisse afin qu'elle tienne la poterie, qu'elle lui donne son assise.

c) Le montage. A partir de ce creux d'argile aux flancs épais qui n'est qu'un vase virtuel, le potier va « monter » la pâte en l'amincissant. Les doigts en « pattes d'écrevisse » commencent à étirer l'argile. Puis, l'index gauche à l'intérieur du vase, l'index droit à l'extérieur, finissent de monter le flanc, de « sentir » l'épaisseur et de donner le galbe définitif en ouvrant ou en fermant la poterie.



- L'étirement de la terre se fait en plusieurs passes, les doigts agissent par pression. La terre « perdue » en épaisseur est « gagnée » en hauteur. Mais cette compression-allongement est le résultat d'un travail progressif sinon la terre s'échauffe et perd de sa plasticité.

- Il faut noter que la vitesse du tour est plus élevée pendant le centrage. Pendant cette phase, l'étreinte des mains sur l'argile est forte, elle tend à freiner la rotation de la gairelle.

- Au fur et à mesure que les flancs du vase s'étirent vers le haut, la vitesse doit être ralentie, ceci s'expliquant par deux raisons.

- Le centre de gravité s'est élevé par rapport à la girelle, perte de stabilité.

- La force centrifuge a davantage de prise sur des flancs amincis.

- Il existe même une relation subtile entre la vitesse de rotation de la poterie et la vitesse de défilement des doigts sur l'argile, mouvement linéaire de bas en haut. Ce que traduit ainsi la Potière, « Parce qu'autrement, si ça tourne trop vite et que mes doigts ne glissent pas, ne montent pas assez vite sur le pot, ça se décentre et il casse ».

- On aura compris que les mains du potier sont des outils complexes. En contact direct avec la matière, les mains savent lui imposer un axe de rotation, centrage, la creuser, comme une fraise, l'amincir et la galber, comme un tour, sentir son épaisseur, à la façon d'un pied à coulisse.

- La pression des doigts imprime sur les flancs humides une spirale qui est la signature des objets tournés. Encore perceptibles sur le biscuit, ces filets d'une grande finesse disparaissent sous le vernis.

d) Les finitions. L'estèque est une lame de fer comportant un bord concave pour lisser les bords de vase convexe. Le tourneur plonge l'estèque dans la terrine d'eau, et l'appliquant doucement sur la pâte qui tourne, il amincit légèrement la pièce et en polit la surface.



- Il faut aussi rogner la base avec un ébauchoir qui dégorge un filet de pâte humide. Il reste à séparer la poterie de la girelle à l'aide d'un fil de laiton selon le vieux principe du fil àcouper le beurre mais en prenant bien soin qu'il ne « monte » pas trop dans le pied. Enfin, le levage consiste à faire glisser délicatement la poterie hors de la girelle vers une surface plane qui se trouve à proximité, sur les planches encadrant le tour, ce qui permet au potier de faire plusieurs pièces sans se déplacer.

- Michèle Bénard raconte ses premiers tâtonnements, elle évoque ses déboires, « Je pinçais beaucoup trop dès le départ. Alors, bien souvent, j'avais des pots qui s'en allaient, surtout quand j'arrivais à une certaine hauteur. Si c'est des petits vases, il n'y a pas d'importance parce qu'il n'y a pas beaucoup de ballant quand on arrive vers le haut. Mais enfin quand c'était de grosses pièces... Et puis, quand je les coupais avec le fil, il n'y avait pas assez de maintien au fond et ma pièce s'effondrait. Alors j'ai corrigé tout ça maintenant ».

- Les formes que monte Michèle sont plus amples, plus hautes qu'à ses débuts, la femme adulte a des possibilités musculaires plus grandes que l'adolescente. Mais d'autres indices prouvent qu'il s'agit d'une meilleure maîtrise du métier. Des vases sphériques qu'elle montait avec 2,5 kg de terre à ses débuts, elle les monte aujourd'hui avec 2 kg et leur contenance est d'un tiers plus grande. Gain de matière, de capacité et de légèreté.

- Mais c'est avec une image de son grand-père que nous voudrions terminer ce développement sur le tournage.

- Le père Chanet en train de tourner un couvercle de soupière, c'était quelque chose ! il montait une colonne d'argile, il la rétrécissait aux deux tiers pour évaser en coupe le tiers supérieur. Après avoir galbé à l'envers son couvercle, construit le rebord qui s'encastrait dans la soupière, le potier pinçait le rétrécissement entre pouce et index pour former le bouton de préhension. La merveille des merveilles, c'est que cette corolle d'argile, cueillie sur la girelle, s'encastrait exactement sur son vase... sans qu'aucune mesure ait été prise. Mais l’œil du Père Chanet valait tous les compas !


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