Des métiers racontés par leurs ouvriers.
Métier raconté, les perleuses de Margeride.
La Margeride à la conquête des marchés de l'Orient.
On s'étonnera peut-être de ce titre aguicheur. Il n'en exprime pas moins une réalité même si elle appartient au passé.
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La destination de ces perles soufflées semble avoir peu attiré les chercheurs car les informations que nous trouvons sont vagues ou fragmentaires.
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Joseph Vaylet, conservateur du Musée d'Espalion, cité par J.C. Crespin dit avoir vu des perles de petit calibre utilisées jusqu'à une date récente pour faire des couronnes mortuaires.
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A Darnes, chez Vignal, on nous a montré les vestiges d'un habit brodé en perles soufflées pour une statue de Vierge locale. A partir de cet exemple, on peut penser que les perles de verre transparent ont été utilisées dans la décoration du vêtement. Mais en quelle région, vers quelle époque. Nous ne possédons aucun indice pour vérifier cette hypothèse.
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Par contre, nous savons par de nombreuses sources que la majeure partie des perles de Langeac étaient converties en fausses perles de culture. C'est ce point que nous allons développer d'après un livre fort documenté et qui a le mérite d'être contemporain des perles soufflées de Langeac.
Dès le XVIe siècle, il semble établi que les Vénitiens, dont on connaît la maîtrise dans l'art de la verrerie, aient réalisé des boules de verre irisé.
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Vers 1680, un fabricant de chapelets parisien nommé Jacquin, découvrit la composition de l'essence d'Orient, produit de base pour le nacrage artificiel des perles, Il se chauffait, au coin de l'âtre dans sa cuisine, pendant que sa servante écaillait des ablettes.... Le brave Jacquin suivait avec intérêt le lavage et l'épluchage de ces petits poissons, lorsqu'il remarqua sur l'eau qui servait à la servante une sorte d'écume brillante et fortement irisée.
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Jacquin, après quelques recherches, réussit à inventer l'essence d'Orient dont voici l'une des recettes.
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On prend 2 kilogs d'écailles de poisson, et on les soumet à un lavage prolongé dans de l'eau additionnée d'ammoniaque pour éviter la putréfaction. On les met ensuite dans une sorte de baratte et, après avoir ajouté 6 litres d'eau froide, on les broie sous l'eau et l'on décante. On obtient ainsi un liquide laiteux et argenté qu'on laisse pendant plusieurs jours dans un endroit frais après l'avoir additionné de quelques gouttes d'ammoniaque. Puis on décante de nouveau, et on lave jusqu'à ce que le liquide soit parfaitement limpide. Le résidu laiteux est alors versé dans des bouteilles avec un égal volume d'alcool, on agite, on bouche et on met au repos dans un endroit frais.
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Quand le liquide a bien reposé, on le filtre et on renouvelle l'alcool. Plus ces lavages sont nombreux et bien faits, mieux la matière est déshydratée, ce qui permet d'obtenir la consistance sirupeuse recherchée. On ajoute enfin une certaine proportion de gélatine que l'on fait bouillir et l'on brasse énergiquement le tout.
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Il faut 2000 ablettes pour obtenir une livre d'écailles. Dans ces conditions, on imagine que nos cours d'eau n'auraient pas suffi à fournir la matière première désirée. L'auteur déjà cité relate que les Allemands exploitaient intensément les lacs de Prusse Orientale et de Mazurie, que les Américains réussissent à utiliser les écailles du hareng. Aux dates où décrit 1925, la France importait son essence d'Orient des Etats-Unis principalement.
Les fausses perles à cette époque, étaient fabriquées selon deux procédés.
- Des perles industrielles obtenues à partir d'un nucléus solide que l'on revêtait extérieurement d'une substance chatoyante.
- Des perles industrielles obtenues à partir de bulles de verre dont l'intérieur était enduit avec de l'essence d'Orient.
- Nous ne donnerons des détails que sur cette seconde fabrication. Au début, les perles étaient vendues après que l'on ait déposé à l'intérieur une goutte d'essence d'Orient, mais elles s'avéraient trop légères et fragiles. On eut l'idée de mieux répartir le liquide nacré en les roulant sur elles-mêmes, puis une fois sèches, de bourrer ces sphères de cire vierge ou de paraffine. On les perçait ensuite de part en part pour pouvoir les monter en colliers ou parures.
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Ainsi transformées, les perles de verre soufflées à Langeac imitaient assez bien la perle fine secrétée par l'huître. Par leur prix moins élevé, elles permettaient aux femmes de ressources modestes de faire les élégantes.
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L'illusion était d'ailleurs si parfaite que nombre de joailliers se firent berner. Quant à la publicité mensongère, qui ne date pas d'aujourd'hui, elle pouvait se donner libre cours. Telle cette réclame citée par L. Boutan, « Le professeur Bouton de l'Académie des Sciences a établi que les perles faites par les fabricants sont identiques aux perles naturellement fabriquées par les huîtres. Il est impossible de distinguer les unes des autres. Si bien que les perles fausses sont vraies. Quant aux perles vraies elles sont identiques aux fausses ».
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Que faisait-on de ces perles industrielles, on les revendait aux Indes et au Japon d'après me Faury, ce qui justifie notre titre. Heureux temps où c'était notre pays qui donnait des leçons commerciales à l'Orient... moyennant, il faut être lucide, un sous-paiement relatif de la main d’œuvre.
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