Des métiers racontés par leurs ouvriers.
Les charrons d'Auvergne et du Bourbonnais.
Comment on devient charron.
Le père et le grand-père de Tonin Boissy étaient carriers, comme beaucoup d'hommes à Volvic. Mais l'arrière-grand-père avait été charron, emportant ses outils dans la hotte et fréquentant les fermes pour travailler à domicile. Aux lendemains de la guerre de 1914-18 Tonin travaille comme ouvrier chez Legay une grande entreprise d'exploitation de pierre. Il apprend à ferrer en aidant un charron local qui fabrique les roues pour camionner la pierre. Il prend goût au métier et son, père l'envoie en apprentissage chez Rabanel à Riom où il reste 18 mois, En ce temps-là, au donnait un an pour rien, on était nourri et logé.
- Ensuite, il poursuit son apprentissage chez les Coulomb à Sayat, Le père Jean-Antoine avait 63 ans et le fils Paul 30 ans. C'est avec ces deux artisans hors-pair qu'il apprend véritablement le métier. Et il est émouvant de voir face à face Tonin 73 ans, et Paul 86 ans. La fraternité née du compagnonnage, le respect de l'un pour l'autre sont identiques à ce qu’ils étaient il y a plus d'un demi-siècle.
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Au régiment, Antonin Boissy se fait remarquer pour sa valeur d'ouvrier et son dévouement. Au contact de forgerons chevronnés il complète sa science du métier, à chaque ferraison, on cerclait 130 à 140 roues ! A 22 ans il estime en savoir assez et il se met à son compte. Il y a alors deux charrons à Volvic, Barbecot et Jodas. Il leur laisse le charronnage des lourds fardiers à pierre pour se spécialiser dans le matériel roulant des paysans.
-Le père de Paul Coulomb fit son apprentissage à Nohanent chez un nommé Taillandier. Il s'installa à Sayat et ouvrit l'atelier qui existe toujours vers 1904-1905. C'est là que Paul. né en 1892 apprit le métier de charron avec le père pour maître. On commence à faire fabriquer au jeune les ridelles de char, il fait connaissance avec la varlope pour dégauchir, le trusquin pour tracer d'épaisseur, la scie à refendre pour débiter, la plane pour chanfreiner. Après cette période de sensibilisation au bois et qui pourrait être commune avec l'initiation du menuisier, du charpentier, etc…
- Le novice « touche » à la roue. On lui fait percer des moyeux avec des mèches différentes selon la roue à réaliser. Puis c'est l'initiation au fer, quand le forgeron a besoin d'un coup de main, un ou deux apprentis viennent frapper sur l'enclume.
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Le père d'Antoine Trunel était meunier à Valcivières. Mais, féru de mécanique, il fréquente les grandes expositions parisiennes et copie les modèles sur ses carnets. Il achète un tour en 1890. Il invente une mortaiseuse dont il exécute en bois le modèle et qu'il fait fondre chez Ollier à Clermont-Ferrand. Il achète une ancienne féculerie à Jacquet d'Ambert et sur le ruisseau, nous sommes dans le Val de Laga, célèbre par ses papetiers, monte une roue hydraulique de 3,50 m de diamètre. Là il devient charron de roues en blanc, c'est-à-dire non ferrées. C'est dans cette ambiance qu'Anttoine Trunel apprend le métier.
- Il exécute son Tour de France autour de 1911 en travaillant à Aigueperse (Puy-de-Dôme), Saint-Vallier (Rhône), dans la Marne, etc... Il apprend le charronnage, la carrosserie automobile. Au cours de la guerre de 1914-18, il est employé dans un arsenal d'aviation. A son retour, il aide son père à faire des roues en blanc qu'ils expédient un peu partout en France. Les dimensions des roues réalisées vont de 2 mètres pour les roues de trinqueballe à 0,40 m pour les roues de brouettes. Il crée vers 1930 un régulateur de vitesse pour roue hydraulique qui a équipé de nombreuses entreprises de la région Ambertoise, scieries, papeteries, filatures, usines électriques. L'apparition des turbines rendra caduc ce procédé. Avec ces deux générations de charrons on a l'exemple d'une volonté de progrès doublée d'un génie inventif assez rare.
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Chez Méténier on était métayer, pour le compte des châtelains de Jenzat. Les livres d'Emile Guillaumin ont largement popularisé l'injustice de ce statut. Roger avait deux frères qui sont restés à la ferme, lui a pris un métier. Pour un village de 500 habitants, il y avait deux maréchaux ferrants et quatre charrons avant 1939!. C'est chez les Frères Chauchard, charrons de très vieille souche, que le jeune Roger Méténier fait son apprentissage.
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La brouette est le premier véhicule roulant qu'ait fabriqué l'apprenti charron. Et la coutume voulait que le jeune l'offrît à sa mère. Le patron n'était pas le moins fier de tous. Cette brouette était porteuse d'une lourde signification.
- Pour les parents, elle était la preuve d'un apprentissage réussi et la compensation affective de trois années durant lesquelles le jeune n'avait ramené aucun salaire.
- Pour le jeune, c'était la preuve tangible de son savoir-faire, le chef d’œuvre qui lui permettait de devenir compagnon, le rite de passage du monde des apprentis à celui des adultes.
- Pour le patron, c'était la forme concrète de la transmission de son art, la satisfaction de voir se perpétuer son métier dans la suite des générations.
Tout le monde était gratifié en somme. Et cela mérite d'être souligné à une époque où tout se monnaye, où les rapports d'argent tendent à masquer les relations humaines.
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C'est chez ce dernier artisan le plus jeune que nous ayons enquêté, que sera décrite lafabrication de la roue.
Ferrage des roues chez Antonin Boissy, à Volvic dans le Puy-de-Dôme.
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