Des métiers racontés par leurs ouvriers.
Le vannier de Collandres.
Lever la clisse.
L'outillage est réduit à sa plus simple expression, un couteau de poche bien affûté et un chiffon posé sur le genou gauche comme protection. Accessoirement, on peut mentionner, un marteau et des pointes fines pour assembler le cadre, une meule en grès et une lombarde à faux pour aiguiser et affûter le couteau.
-
Cette simplicité de moyens en regard de la complexité et de la beauté de l'ouvrage étonne le spectateur non averti. C'est que le couteau a toujours été l'outil de prédilection du paysan. Outre son usage indispensable pour casser la croûte à table ou aux champs, il sert à tailler des cannes dans les rejets de taillis ou des aiguillons à bœufs, à sculpter des passettes à rubans, des plioirs à dentelles, à exécuter des jouets pour les enfants, véritables réductions des ustensiles adultes.
-
Et que dire de ce formidable outil qu'est le genou, On y pose la baguette de noisetier pour l'écorcer, l'amincir, l'épointer. On plie le bois flexible sur l'avant du genou pour lever l'éclisse. On y coude les baguettes qui formeront le cadre et l'anse. On enfile le panier sur le genou pour tisser les « abris ». Quant aux deux genoux, ils forment la presse de l'établi du menuisier ou la pince à coudre du sellier-bourrelier.

-
Le genou, ou les genoux sont à la fois établi, chevalet, moule, presse. Les photographies parlent mieux que les mots.
- Le noisetier est le seul matériau employé.
La cueillette.
- Juste avant la première neige, fin novembre, M. Mège est allé cueillir ses baguettes dans un taillis de noisetiers. On sait que le noisetier coupé « rejette » du pied, donnant ainsi au bout de 4 ou 5 ans des baguettes bien droites de la grosseur du pouce. Ce sont ces rejets qui sont utilisés et le bois « vert » est préféré au bois « noir », couleur de l'écorce. Le nombre de baguettes cueillies est fonction du nombre de paniers commandés. Les vieux, me dit M. Mège, allaient cueillir leur bois à la vieille lune pour éviter qu'il ne soit « piqué par les vers ». Il avoue lui-même ne pas y faire attention.
-
Ce fait m'a été confirmé récemment par un paysan creusois qui m'a cité le dicton suivant, « Lune fine, bois d'épine, lune vieille, bois de feuille ».
La préparation.
- Une fois terminé, le panier aura une belle couleur jaune clair. Cela signifie que tout le noisetier employé sera préalablement écorcé. Mais comme il ne faut pas entamer le bois, l'écorce est enlevée avec le dos de la lame du couteau, côté non affûté. La baguette peut être employée soit toute ronde, pour le cadre soit taillée en « côtes » soit en « clisses ».
-
Le « levage d'une clisse » est sans conteste le tour de main le plus délicat, il demande patience et dextérité. Une « clisse », mot voisin du français éclisse est une lanière très mince de noisetier de 2 mm environ.
-
Une entaille peu profonde au couteau amorce le départ. Ensuite c'est une flexion de la baguette sur le genou qui décolle une pellicule de bois. La lanière ainsi décollée est légèrement soulevée par le pouce, puis elle glisse entre l'index et le médius. A chaque flexion, la clisse progresse de 10 cm environ. Le passage des nœuds est difficile, et il arrive que la clisse casse inopinément. Mais le cas est rare, et l'on parvient à obtenir des brins de 2,50m parfois. En effet, plus les clisses sont longues, moins les « rajouts » sont nombreux.
-
La clisse une fois levée est égalisée en largeur afin d'être plus régulière. De la qualité de ce travail dépend le « fini » du panier.
|