En noir et blanc, des métiers racontés par leurs ouvriers.
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Photos d'autrefois en noir et blanc


Des métiers racontés par leurs ouvriers.


Le jouguier de la Croix Saint-Martin.

Comment on devient jouguier.


Johannès Lafay n'est pas jouguier par atavisme. Bouvier et débardeur de bois de son état, bien atteler ses bœufs est pour lui une impérieuse nécessité. Il y a plus de 20 ans de cala, il achetait ses jougs dans la Loire, chez Palabo, commune de Saint-Romain d'Urfé. Il en a cassé trois la même année, au milieu du corps. La facture n'était pas en cause, mais le bois de l'aulne était de mauvaise qualité.

- Un de ses voisins, Goyon de Chassaing, commune des Salles, l'incite à commencer lui même, « Toi, tu sais travailler le bois, pourquoi tu n'essaierais pas de faire des jougs? ». Et Johannès débute ainsi, « Il est tombé de la neige quelques jours après. Et j'en ai fait un. Il m’a guidé quelque peu, il en avait fait un lui aussi. Et puis c'est venu delà. Petit à petit, je les ai améliorés, bien sûr. Au départ, je faisais comme je pouvais, c'était pas bien comme maintenant. Alors, après j'ai continué... il y en a qui en ont commandé. J'en ai fait pour les copains, pour les voisins ».

- On trouve des exemples similaires de vocations dans d'autres régions. Ainsi en Aubrac, dans le hameau des Fajoux, commune de la Trinitat, J.D. Lajoux nous écrit le destin d'un artisan domestique, Laurent Girbal, « Il a appris seul à travailler les jougs. Vers la fin de l'année 1912, il travaillait dans une grange-étable comme vacher d'hiver. Isolé au milieu des prés enneigés, il cherchait un moyen de meubler son inaction durant les heures creuses de la journée, c'est-à-dire entre 10 heures et 15 heures. La paire de bœufs qu'il utilisait pour charrier le fumier était mal jouguée, il voulut essayer de tailler un joug mieux adapté aux deux animaux. Il y réussit. Il cède aux supplications réitérées des exploitants, qui lui demandent de leur tailler un joug. S'il accepte, il le fait au cours d'un temps mort de son exploitation ».

- Dans l'artisanat rural, on retrouve souvent ce doublet, la nécessité, associée à l'habileté fait naître des « vocations ». Le milieu crée bien entendu des circonstances favorables, tout le monde possède du bois et les outils pour le travailler, dans cette région montagneuse. Mais tout le monde ne possède pas l'intelligence de la matière et l'exemple de Johannès, jouguier « d'occasion » sans être exceptionnel, reste relativement rare.

- La compétence de cet artisan du bois est bien soulignée ici, « Pièce maîtresse de l'attelage qui reste encore la clé de voûte de l'exploitation agricole, le joug requiert une technique de fabrication très élaborée. D'autant plus, qu'il est non seulement adapté sur mesure en quelque sorte à la paire de bovins, mais aussi à la nature du terrain sur lequel est sise l'exploitation ».

Cette habileté, nous en avons maintes preuves.

- Dans le choix du bois, essence, époque de coupe, etc...,

- D ans le maniement des outils, facture du joug.

- Dans la conformation du joug, cintre du pontet résistant à la traction par l'arrière, évidement de la corne externe qui fait regarder la bête vers l'intérieur, etc...

- Certains hivers, Johannès livre à sa clientèle une quinzaine de jougs. Il en prépare de plusieurs catégories, de 28 à 32, 33 même. Ces dimensions, en centimètres, se rapportent à la portée de la têtière et varient suivant le poids et la race de la bête, les Salers portent de grandes dimensions. Les gens choisissent souvent en fonction de l'ancien joug qu'ils possédaient. L'encastrement de la corne est fait à la demande, la race d'Aubrac nécessite un passage plus large que chez d'autres races.

- La plupart sont des jougs à deux têtes. Mais Johannès fabrique exceptionnellement des jougs à une tête pour le sarclage des pommes de terre ou pour habituer une jeune bête, « On lui applique sur la tête quelques jours pour lui apprendre à porter le joug ». Mais là ne s'arrête pas le « génie créateur » de notre artisan. Un ami lui a raconté qu'il avait vu quelque part en France un joug à trois têtes. Cela a donné l'idée à Johannès d'en fabriquer un, « On met deux bêtes dressées de chaque côté, par bout, et la troisième têtière, on met la bête qui n'est pas dressée, au milieu. Ça fait que la bête qui n'est pas dressée ne peut pas planter le nez dans la terre, s'écorner. Elle est obligée de se tenir parallèle aux autres, elle est obligée de suivre... ».

- Chez Johannès se combinent donc étroitement la compétence de l'artisan et cette « science de l'animal » qu'il pratique quotidiennement dans son métier de paysan-débardeur de bois.


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