Des métiers racontés par leurs ouvriers.
Le dinandier d'Aurillac.
Quatre générations de batteurs.
Nicolas Guittard dit Jules quitte son patron Bonnet le 1er mai 1886. Le 15 mai suivant, il se met à son compte, rue du Collège en occupant le fonds de commerce d'un autre batteur, Abel.
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En 1925, l'ancêtre meurt, l'atelier est transféré rue des Fargues. Justin Guittard, le fils, prend alors l'affaire en mains, assisté par son frère Baptiste et son beau-frère Baptistou, ce diminutif dévolu au plus jeune afin de distinguer les homonymes. Justin est un habile artisan. En 1937, il participe à l'exposition de Paris. Suzanne Robaglia écrit sur lui ce petit morceau d'anthologie.
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« Plus loin que la porte, le feu brille, un feu à illuminer la rue. C'est là que Guittard et ses compagnons, armés de célèbres marteaux, tapent sur le métal rouge.
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Le trottoir est orné de chaudrons. Il y en a de bien vieux auxquels on vient de mettre une pièce, de tout neufs qui sont là pour se faire admirer.
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Si l'on entre, les hommes aux mains noires et aux yeux clairs vous font fête.
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Ils nomment les cuivrounnes, les fontaines, les réchauds, par des noms d'amitié, Fais moi passer le petitou.
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Si Guittard ne s'est pas laissé photographier pour mettre son portrait dans l'Auvergne Littéraire, il ne faut pas lui en vouloir. Il ne pouvait pas mettre devant sa porte, la fontaine dont on a fait cadeau au Président de la République, puisqu'elle est à Paris, et lui, comme il était ce jour là, il ne se trouvait pas assez beau! ».

Mais les expositions, même primées, ne nourrissent pas leur homme. Il faut, dès avant la guerre de 1939-45, se « lancer » dans le cache-pot, par exemple, c'est-à-dire sacrifier au goût du jour. Durant la guerre et même juste après 1940-1950, la chaudronnerie connaît un regain d'activité. Comme on ne trouvait plus de cuivre, les paysans apportaient à l'atelier Guittard de grands chaudrons à lessive pour qu'on les transforme en marmites et chaudrons utilitaires.
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C'est l'époque, 1945 où la 3e génération de batteurs de cuivre apparaît en la personne de Robert Bastien, gendre de Justin Guittard, le soir, je venais voir mon beau-père travailler. J'étais stupéfait de voir ce qu'il arrivait à faire avec un simple marteau pour tout outil. Je le voyais faire une fontaine, une belle bouilloire avec seulement un marteau, je trouvais cela sensationnel.
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Alors, il avait repéré que je m'intéressais à ce qu'il faisait. Faut dire que moi, à l'époque, je travaillais en usine comme tourneur. On travaillait déjà, non pas à la chaîne, mais aux pièces. C'était pas tout ce qu'il y avait de plus agréable. Alors... un jour, il m'a proposé, si vous voulez, je vous apprends le métier... si un deuxième apprentissage ne vous fait pas peur... j'ai dit, banco, je prends un deuxième métier, je recommence tout.
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Ceci est raconté avec la gouaille parisienne qui trahit les origines de notre interlocuteur. Mais qu'importe l'origine... l'essentiel n'est-il pas que la tradition se maintienne. La greffe Bastien a bellement pris sur le tronc des Guittard.
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Justin cède l'affaire à son gendre en 1956, il a alors 77 ans. Il continue à venir travailler à l'atelier. Le soir même de sa mort, il s'occupait encore, ceci en 1957. Robert Bastien continue de travailler avec Baptistou qui mourra en 1967, soit dix ans après son beau-frère.
La chaudronnerie traverse des moments difficiles, la mode n'est pas encore aux antiquités. Pour survivre et nourrir ses 4 enfants, le batteur de cuivre devient même à une époque représentant en chaussures de sport.
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On arrive tant bien que mal à la période présente. Robert Bastien a tout juste la cinquantaine, il est dans la maturité de son art. Il est reconnu comme le meilleur fontainier du centre de la France, et a la grande satisfaction de voir son fils Jean-Paul apprendre le métier.
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Jean-Paul Bastien, né en 1958, possède 7 années de métier. Il commence déjà à façonner de beaux chaudrons et ses premières fontaines. La 4e génération est donc en place.
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