En noir et blanc, des métiers racontés par leurs ouvriers.
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Le vannier, le hottier, le jouguier, le galochier, le sellier-bourrelier, les perleuses, le dinandier, le saigneur, les potiers de terre, les charrons.

Photos d'autrefois en noir et blanc


Des métiers racontés par leurs ouvriers.


Le dinandier d'Aurillac.

Eloge du travail bien fait.


Le connaisseur doit d'abord savoir apprécier la facture de l'objet, s'il est embouti, repoussé au tour, assemblé par brasage ou rétreint à la main. Dans les deux premiers cas, le travail est effectué à la machine, et certains signes le rendent perceptible. Ainsi de minces filets trahissent le travail du tour, exactement comme en poterie. Mais ils peuvent disparaître par polissage, lustrage ou martelage. Dans les deux derniers cas, assemblage par soudure et rétreinte, la confusion devient grave. Il n'y a en effet aucune commune mesure entre une fontaine dont la jupe aura été soudée en 4 éléments et les soudures martelées et dissimulées sous l'étamage et une autre, rétreinte entièrement à la main, comme nous l'avons décrit. L'acheteur non prévenu aura là sujet à de graves mécomptes.

- Il faut ensuite se méfier du faux vieux et préférer absolument l'objet neuf. Cet aspect factice peut être rendu, soit par une facture négligée, soit par une fausse patine. Dans les deux cas, Robert Bastien dénonce avec véhémence l'imposture, « Aujourd'hui, on trompe le client en faisant des pièces à moitié, en laissant les soudures qui ont coulé et des traces d'acide. C'est pas plus vieux du tout parce que, dans le temps, aucun maître chaudronnier n'aurait admis qu'un de ses ouvriers travaille comme ça... qu'il ne finisse pas ses pièces ».

- « On peut ternir le cuivre donner une patine avec du noir de fumée, c'est-à-dire sur la forge, en faisant flamber du charbon de forge. Seulement ça a un inconvénient, c'est que si un jour la ménagère passe un peu de Miror sur son cuivre, ça efface toute la patine. Donc cette patine... il faut la vernir. Peuf! Moi, j'ai jamais voulu le faire ».

- Troisième conseil, il faut exiger d'avoir un cuivre fini, c'est-à-dire martelé. Et non pas quelques coups de marteau de ci, de là, sur une soudure, sur une carre. Redonnons la parole à l'expert, « Les cuivres anciens, ils étaient pas à moitié faits, ils étaient fignolés, c'est-à-dire comme je fais, comme on en a toujours fait. L'opération finition, c'est le planage. Le planage c'est un martelage. C'était pas pour faire beau qu'ils martelaient les pièces, c'était pour effacer les traces de formage, mais ensuite pour lui donner la rigidité. C'est-à-dire écrouir le cuivre et lui donner du brillant ».

- La conclusion qui s'impose est double, d'une part le client a de grandes difficultés à distinguer un cuivre authentique travaillé à la main, qu'il soit vieux ou neuf d'une falsification, d'autre part, l'artisan honnête rencontre des obstacles quasi insurmontables pour faire reconnaître la valeur de son travail. Y a-t-il une solution à cet épineux problème.

- Beaucoup de métaux doux sont authentifiés par poinçonnage, l'or, l'argent, l'étain. Cette pratique peut-elle avoir quelque valeur avec les ustensiles en cuivre. R. Bastien a une réponse négative.

a) D'abord il s'en moque, il accomplit son travail et puis c'est tout. En résumé, il n'a pas l'impression de réaliser un Rembrandt à chacune de ses fontaines.

b) Le poinçon n'authentifie pas la provenance d'un objet qui peut être martiné à Durfort, fini à Villefranche-de-Rouergue et poinçonné par un revendeur.

c) cette vogue vient du client lui-même qui demande à ce que l'objet soit poinçonné. Ce snobisme entraîne dans son sillage le mercantilisme et les excès que nous avons dénoncés.

d) R. Bastien s'inquiète que quelqu'un puisse utiliser sa marque pour revendre très cher ce qu'il a vendu un prix raisonnable. Cette plus-value attachée à un nom et qui échappe à l'artisan est certainement un gros danger.

- Ces raisons, pour pertinentes qu'elles soient, n'ont pas l'air de convaincre Jean-Paul Bastien. Il est jeune et en passe de devenir un chaudronnier habile, il vit également une époque qui n'a pas les mêmes références que celle de son père. Il est donc normal qu'il veuille tirer une satisfaction d'amour-propre en poinçonnant son nom sur ses réalisations, tout en garantissant leur origine.

- Les ethnographes que nous sommes n'ont aucun jugement à porter sur ce conflit de générations et de valeurs. Cela nous permet d'éclairer d'un jour intéressant les contradictions et les difficultés dans lesquelles se débat l'artisanat actuellement. Souhaitons simplement qu'on n'aille pas jusqu'à poinçonner la moindre bassine à confitures. Qu'une belle fontaine, soit par contre, apostillée du nom de son fabricant, il n'y a là rien que de très légitime.

- En deux ans, l'atelier a subi deux déménagements. En 1979, les Bastien se sont installés rue du Buis, mais ils manquaient de place. Alors ils ont acheté un vieil hangar à Jussac, sur la route nationale qui va d'Aurillac à Mauriac. Ils l'on adapté à leurs besoins et en 1981, une nouvelle enseigne se balance. Le R. et le P. des Bastien s'enlacent en un monogramme qui veut symboliser la fusion harmonieuse des générations.

- L'installation à Jussac est un premier signe de nouveauté. Bien en vue, en bordure de la route, des cuivres brillent, ferrats, chauffe-lits, fontaines aguichent l'automobiliste. Le touriste, tout comme l'Aurillacois, est inséparable de son automobile. Là il peut en toute quiétude garer son véhicule, regarder les ouvriers au travail, questionner sur les prix. Sans doute le vieil Aurillac aura perdu un peu de sa tradition, mais l'artisan y trouve son compte car les ventes sont meilleures en bordure de route que dans la ville.

- Deuxième signe de changement, les méthodes de travail. Pour ne pas perdre une clientèle qui a un budget modeste, les Bastien fabriquent de l'article à petit prix, 100 - 200 F. Mais ces bas prix de revient nécessitent un gain de temps, d'où le pré-formage de certains articles au tour et leur finition à la main. Les arguments ne manquent pas pour justifier ce changement d'orientation.

- Le martinage qui fournit des coupes noires aux chaudronniers de Durfort est un pré-formage, tout comme le repoussage au tour.

- Le menuisier et l'ébéniste utilisent eux-aussi des machines, scies à ruban, dégauchisseuse, raboteuse, toupie.

- Les clients amateurs de fontaines à 3.500 - 4.000 F en 1981 ne sont pas légion et ils ne peuvent à eux seuls assurer la marche d'une entreprise.

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Robert et Jean-Paul Bastien ont donc choisi ce compromis,

- Faire de l'alimentaire avec des articles de faible prix et de fabrication en partie mécanisée, louches, casseroles…

- Faire du bel article, entièrement à la main comme les fontaines.

- Avec le premier, on vit, tout simplement. Avec le second, on conserve la main et aussi sa conscience de bon ouvrier. C'est souvent au prix de reconversions douloureuses mais non déshonorantes que l'artisan parvient à se maintenir.


L'atelier de Bastien Guittard, rue des Fargues, en 1977.

1 Porte sur la rue. 2 Tiroirs à burins. 3 Objets en attente de récupération. 4 Tas et pieds de chèvre. 5 Cisailles à main. 6 Tas fixe. 7 Tas mobile. 8 Etau fixe. 9 Table. 10 Tas fixe. 11 Tabouret. 12 Etau portatif. 13 Tas fixe. 14 Tabouret. 15 Marbre en bois. 16 Marteux et maillets. 17 Cintreuse. 18 Tour à métaux. 19 Feuilles de cuivre. 20 Chaudrons en attente de réparation. 21 Chvalet. 22 Poêle. 23 Perceuse électrique. 24 Bigome portative. 25 Pince à fau. 26 Chalumeau à propane. 27 Hotte de la forge. 28 Baguettes de brasure. 29 Fers à souder. 30 Bouteille d'oxygéne. 31 Bouteille d'acétylène. 32 Chalumeau pour soudure autogéne. 33 Bac à eau. 34 Cuve à acide.


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